Il y avait foule, aujourd'hui, au comité judiciaire du Sénat américain pour entendre Bill Gates, le patron de Microsoft, ainsi que ses principaux rivaux Jim Barksdale (Netscape) et Scott McNealy (Sun).
Cette audience avait lieu dans le cadre de la poursuite entamée par le Département de la Justice, qui accuse Microsoft d'abuser de sa position dominante dans le marché des systèmes d'exploitation pour imposer son navigateur Internet Explorer et éliminer Netscape. Le sénateur Orrin Hatch, qui préside la commission, avait déclaré précédemment qu'il faut « être vigilant envers la stricte application des lois anti-trusts afin d'éviter de devoir plus tard réglementer l'Internet. ».
Bill Gates a réitéré sa ligne de défense habituelle, expliquant que Microsoft ne jouit d'aucun monopole. Prenant la définition de cette notion au pied de la lettre, il a fait valoir qu'une compagnie en situation de monopole a « la capacité de restreindre l'entrée de nouvelles firmes [dans son marché] et contrôle unilatéralement les prix. Microsoft ne peut faire ni l'un ni l'autre. »
Jim Barksdale, président de Netscape, s'est pour sa part livré à un réquisitoire en règle éloquent mais trahissant l'immense pression que Microsoft exerce depuis deux ans sur sa compagnie.
À propos de la stratégie de Microsoft consistant à étendre comme bon lui semble les fonctions de son système d'exploitation: « Cette sorte d'extension sans limite du système d'exploitation, à une époque de commerce et de communication numériques, peut affecter des secteurs clés de notre économie comme la banque, la presse, la publicité, parce que ces services et d'autres sont de plus en plus livrés aux consommateurs sous forme de logiciels. (...) J'endosse sans réserve le fait que si quelqu'un fabrique une meilleure trappe à souris qui lui permette de monopoliser le marché des trappes à souris, c'est bien. Mais l'obtention d'un monopole dans les trappes à souris ne lui donne pas le droit d'imposer le genre de fromage que les gens achètent. »
À propos de la lutte commerciale entre Microsoft et Netscape: « Pourquoi Microsoft a-t-elle ciblé Netscape avec tant d'acharnement? Le fureteur de Netscape représentait une menace de concurrence pour le monopole du système d'exploitation de Microsoft car il peut offrir les mêmes fonctionnalités que le système d'exploitation. (...) Microsoft voulait être sûre de contrôler Internet, et non l'inverse. En conséquence, elle s'est organisée pour contrecarrer Netscape, émousser la popularité de notre fureteur de toutes les façons possibles, notamment par le genre d'actions coercitives auprès des fabricants de PC (...), ainsi que par le biais de contrats exclusifs avec des fournisseurs Internet et des fournisseurs de contenu Internet, en interférant dans nos relations avec nos clients et prospects, et en créant délibérément des incompatibilités entre nos produits. »
Bill Gates avait déclaré la veille à des journalistes que ne pas intégrer les capacités Internet à Windows reviendrait à vendre une voiture sans air conditionné et sans radio. « Quand vous achetez une voiture, pourquoi a-t-elle des pneus ? », ironisait-t-il. Reprenant l'analogie, Jim Barksdale lui rétorque que l'inclusion de l'accès à Internet dans le système d'exploitation revient à inclure l'autoroute elle-même dans la voiture, avec le risque qu'« ultimement plus de 90 % des utilisateurs d'ordinateurs soient dirigés vers les mêmes endroits sur Internet - ces sites Web où le système d'exploitation dominant de Microsoft les amène automatiquement. »
Au final, Barksdale ne réclame pas la tête de Bill Gates mais simplement l'application de l'esprit de la loi antitrust américaine et le changement des façons de faire de Microsoft qui, croit-il, représentent une menace pour les consommateurs, l'économie et la créativité de tout le secteur informatique.