retour au sommaire Doses nutritionnelles : des effets complémentaires et synergiques Que l'aliment soit ton remède disait déjà Hippocrate

Stress oxydant, fruits et légumes & santé

2003-10

La population des pays industrialisés vieillit et, de fait, présente des pathologies chroniques dont la prévention représente une dimension socio-économique importante. Point commun de ces pathologies dégénératives : le stress oxydant, résultat d'un déséquilibre entre la production d'espèces oxygénées réactives (EOR), pro-oxydantes, et le système de protection antioxydante.

Une production incontournable

Les processus physiologiques les plus courants (respiration cellulaire, défense immunitaire, détoxication des xénobiotiques) nécessitent une métabolisation de l'oxygène et une production incontournable d'EOR.
Une première ligne de défense antioxydante est endogène, constituée d'enzymes et de protéines. Ce système endogène est renforcé par les micronutriments antioxydants. Chez un individu “sain“, il s'établit donc un équilibre entre, d'un côté, la production radicalaire et, de l'autre, la lutte contre les dérivés oxygénés. Cependant, les produits oxydés toxiques, comme les dialdéhydes, les dérivés carbonylés ou les bases oxydées, sont systématiquement retrouvés dans le sang, les tissus et les urines, en quantité, plus ou moins élevée selon l'état physiopathologique. Cette quantité augmente en particulier, avec l'âge. Ainsi, l'élimination des dérivés oxydés pourrait être un facteur limitant conduisant à une accumulation d'éléments toxiques, suite à des stress oxydants aigus (exercice physique, intoxication, inflammation) ou chroniques (vieillissement, pollution). A l'échelle d'une vie, ces dommages oxydatifs chroniques sont supposés contribuer à la pathogénie des maladies dégénératives (maladies cardiovasculaires, cancers, cataracte...).

Une protection multifactorielle

Le rôle protecteur des fruits et légumes vis à vis de nombreuses pathologies dégénératives (cancers, maladies cardiovasculaires et oculaires) est à présent reconnu par de nombreuses études épidémiologiques. Cette action protectrice est vraisemblablement multi-factorielle, reflétant tant la diversité des espèces consommées, que leur composition variée en nutriments et les mécanismes d'action de ceux-ci au niveau cellulaire et moléculaire. Un mécanisme par lequel les produits végétaux contribuent à une meilleure santé est l'apport en micronutriments antioxydants comme les vitamines, les minéraux et oligo-éléments. Les végétaux comprennent aussi une très grande diversité de microconstituants susceptibles d'être absorbés et d'exercer des effets biologiques divers. Les principaux sont les polyphénols, les caroténoïdes, les phytostérols, les phyto-oestrogènes, les glucosinolates, les composés soufrés des alliacés.
En plus des vitamines C et E, les polyphénols et les caroténoïdes, peuvent agir comme antioxydants dans l'organisme.

Polyphénols et caroténoïdes : des effets antioxydants multiples

Les effets protecteurs des polyphénols contre le stress oxydant se traduisent par une diminution des teneurs en peroxydes lipidiques dans le plasma et en 8-oxo-deoxyguanosine lymphocytaires, qui sont respectivement des produits d'oxydation des lipides et de l'ADN. L'effet protecteur des polyphénols contre l'oxydation du LDL cholestérol est bien établi in vitro et pourrait s'expliquer par un effet d'épargne d'autres antioxydants lipophiles, tels que la vitamine E, intégrée dans la phase lipidique des molécules de LDL.
Les caroténoïdes participent aux défenses contre les espèces oxygénées réactives, plus particulièrement l'oxygène singulet. Cette protection repose sur un ensemble de réactions physiques et chimiques entre les caroténoïdes et la molécule d'oxygène "excitée". L'énergie d'excitation de l'oxygène singulet est transférée vers le pigment, puis dissipée au niveau des doubles liaisons conjuguées. L'inhibition des processus oxydatifs serait particulièrement active aux faibles pressions d'oxygène (2%) et complèterait ainsi l'activité antioxydante de la vitamine E aux fortes pressions d'oxygène (20%). Le piégeur d'oxygène singulet le plus efficace est le lycopène (plus du double de l'activité du ß-carotène) largement trouvé dans les tomates et les produits dérivés. Il faut noter que l'?-tocophérol (vitamine E) est 100 fois moins efficace que le lycopène pour piéger l'oxygène singulet.

Etude Vitage : un travail d'envergure

Dans la plupart des études d'intervention, la démonstration de l'effet santé des fruits et légumes consiste à augmenter la consommation usuelle des participants et à montrer les conséquences bénéfiques sur certains marqueurs de pathologies comme, par exemple, la tension artérielle. Peu d'études ont analysé l'effet d'un apport diminué en fruits et légumes. Un travail d'envergure Européenne a été mené au CRNH de Clermont-Ferrand. Son objectif : caractériser l'effet de l'âge sur le rôle biologique des caroténoïdes (projet Vitage). Une centaine de volontaires sains a été soumise à un régime bas en produits végétaux pendant 3 semaines. Un suivi alimentaire sur 5 jours avant le début de l'étude a montré que les volontaires consommaient, en moyenne 470 g/j de fruits et légumes incluant les pommes de terre. Durant les 3 semaines de déplétion, la baisse d'apports dans le régime a été de 45% en moyenne.

Un effet spécifique des caroténoïdes

Les paramètres biologiques ont montré une baisse du statut plasmatique en caroténoïdes, en vitamine C et en vitamine E. Cette baisse est associée à une augmentation de lipides oxydés dans le plasma, ce qui est en faveur de l'occurrence d'un stress oxydant pendant la période de déplétion. D'autres expérimentations, menées sur les cellules immunitaires (neutrophiles) ont montré que la production de peroxyde d'hydrogène (espèce oxygénée réactive) était augmentée après la période de déplétion. Cet effet est inhibé par l'addition in vitro de caroténoïdes (bêta-carotène ou lycopène), ce qui est en faveur d'un effet inhibiteur spécifique des caroténoïdes dans la surproduction de peroxyde d'hydrogène.
Dans l'ensemble, cette expérimentation démontre qu'un apport faible en produits végétaux (250 g/j) a un effet délétère sur les paramètres du stress oxydant et suggère que l'effet santé des produits végétaux passe par un meilleur contrôle de ce dernier. En outre, l'installation de ces effets délétères, sur une durée relativement courte de 3 semaines de déplétion et sur des volontaires initialement sains, suggère qu'une consommation régulière en fruits et légumes pourrait être nécessaire au renforcement du système antioxydant endogène.

Fruits et légumes : un rôle irremplaçable

Ainsi, l'ensemble des données épidémiologiques et expérimentales conforte l'hypothèse que la lutte contre le stress oxydant à l'aide de micronutriments antioxydants peut diminuer les dommages radicalaires, améliorer les fonctions cellulaires et permettre une meilleure santé. Les expérimentations confirment que les fruits et légumes, ou plus généralement les produits végétaux, sont une source importante et efficace en micronutriments antioxydants. Comme préconisé par la PNNS, la consommation de fruits et légumes est un moyen socio-économiquement des plus intéressants pour diminuer les risques de pathologies dégénératives.

Edmond ROCK
INRA - CRNH
Unité Maladies Métaboliques et Micronutriments Theix/Clermont-Ferrand - Octobre 2003




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