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Impact de l'alimentation sur le cerveau

Le Professeur Hervé Allain est neuropharmacologue à l’université Rennes I. Il a participé à la journée nationale de l’Association pour le développement de la nutrition orthomoléculaire (ADNO). Le thème de son intervention : l’impact de la nutrition sur les fonctions cognitives. L’occasion pour LJS.com de l’interroger sur ce sujet.

Quelle relation existe entre l’alimentation et le cerveau ?

Pr Hervé Allain : Tout comme le cœur et les autres organes, le cerveau dépend de l’alimentation. Selon les produits qu’il reçoit, il « vibrera » plus ou moins.
Le cerveau a besoin d’énergie, de glucose et d’oxygène. Il se sert également de protéines. Des éléments que l’on retrouve dans l’alimentation.
Le cerveau a toutefois deux spécificités. Il met du temps à se développer. Il est bien constitué vers l’âge de 15 ans. Il est ensuite victime du temps à partir de 50 ans. Ces deux périodes sont donc critiques. La grande question est finalement de savoir si la nutrition peut avoir un rôle à jouer à ces deux périodes de la vie. La seconde spécificité de cet organe est qu’il reste plus vulnérable qu’un organe comme le cœur.

Que représente le terme fonctions cognitives ?

J’entends par ce terme le langage, la mémoire, les phénomènes d’attention, de concentration… Toutes ces fonctions sont vulnérables donc fragiles.
Pour comprendre le fonctionnement de la mémoire par exemple, il faut avoir une bonne connaissance de la biologie. Des neurotransmetteurs et des amines du cerveau tels que la dopamine et la noradrénaline sont nécessaires. Il faut également de bonnes connexions entre les différentes zones du cerveau et notamment entre le lobe frontal (zone qui se situe derrière le front) et l’hippocampe, deux zones distantes du cerveau.

Que disent les études scientifiques sur l’effet de l’alimentation sur le cerveau ?

Quelques études sont faites avec des produits que tout le monde connaît comme le glucose et certaines matières grasses. Mais, par exemple, je ne peux pas dire si un yaourt est bon pour le cerveau.
Le matin, le glucose, un sucre, améliore les vitesses de traitement de l’information par le cerveau. Dans le même temps, un manque de glucose entraîne une diminution de ses performances. Une surcharge en protéines à ce même moment de la journée n’est pas bonne non plus pour le cerveau. On voit dans ces conditions une diminution des performances sur certains tests.
Ce que nous possédons actuellement comme données sur le lien entre alimentation et cerveau sont des données molles. Les causalités entre les deux restent mal établies. Lors d’études épidémiologiques, les chercheurs prennent une population à 40 ans, ils suivent ces gens et regardent ce qu’ils deviennent à 70 ans. Ils font ensuite des sous-groupes. Mais, avec ce genre de méthode, il est très difficile de conclure sur les performances cognitives. Il peut exister beaucoup de raisons pour que cela se dégrade et il est souvent difficile de trancher.

Dans quels domaines l’alimentation peut être utile ?

Des chercheurs de Lille ont démontré qu’en consommant des fruits et légumes, on diminuait les risques d’accidents vasculaires cérébraux. Le poisson abaisse les risques de démence. Il jouerait aussi un rôle sur la mémoire.
Pour les antioxydants, il n’y a pas de preuves formelles vis-à-vis de ces troubles. Ce qui ne veut pas dire que cela ne marche pas… Une étude menée en Aquitaine a trouvé un lien entre le vin et une diminution des risques de démence. Cela se tient mais l’interprétation reste délicate. Le vin peut être synonyme d’un mode de vie particulier qui pourrait lui aussi expliquer autrement cette diminution. Les Bordelais n’ont d’ailleurs jamais conclu que le vin améliorait les choses.
Autre exemple : le régime crétois. Il n’a pas donné les mêmes bons résultats sur le cerveau que sur le cœur. Mais ce régime fait du bien aux vaisseaux. Il est donc certainement favorable au cerveau… Finalement, on est un peu frustré, on manque de preuves.

Selon vous, l’alimentation peut-elle prévenir ou traiter certaines pathologies ?

J’y crois mais pour l’instant, encore une fois, on manque de certitudes. Les antioxydants sont une bonne piste pour la maladie d’Alzheimer. Pour lutter contre cette maladie, il faut également surveiller son apport en graisses. Les graisses insaturées sont meilleures que les saturées. Et il semble utile de prendre suffisamment d’oméga-3.
Mais le cerveau est une machinerie complexe. Il y a plusieurs étapes entre le moment où l’on avale quelque chose et l’action dans la tête. Pour un médicament, c’est plus simple, il va directement sur sa cible.

Que pensez-vous de la restriction calorique pour le bon fonctionnement du cerveau ?

On sait qu’en diminuant l’apport calorique, on améliore la durée de vie des rats. Et cela semble aussi bénéfique pour leur cerveau. Actuellement, on teste l’intérêt dans un régime où l’on diminue les apports. La thérapie nutritionnelle se fera peut-être plus en éliminant des aliments qu’en en ajoutant.

Quelle action la caféine peut-elle avoir sur le cerveau ?

Elle joue sur la vigilance, c’est certain. Les gens de l’armée et de l’aviation civile ont prouvé que c’était le cas. La caféine influence le fonctionnement du cerveau et joue sur les performances de la mémoire.
Ici, ça marche. Voilà un produit qui a un effet prouvé. C’est d’ailleurs l’un des chapitres les plus travaillés de l’effet de la nutrition sur le cerveau.

Quels conseils alimentaires pouvez-vous donner pour améliorer ses fonctions cognitives ?

Il existe de grandes bases comme manger du poisson et utiliser de l’huile d’olive. Ceci n’est d’ailleurs pas spécifique au cerveau. De plus, prendre un petit gâteau ou une tarte de temps en temps peut entretenir le cerveau. Et, une nouvelle fois, la caféine, prise sans excès, peut améliorer les fonctions cognitives.

Interview de Pr Hervé Allain
Source : Le journal Santé - Nouvel Obs



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